Répertoire

Au fil des années, chaque pièce mise en scène par Jean Bellorini rejoint naturellement le répertoire TNP.

Les spectateurs du TNP pourront ainsi découvrir ou re découvrir des pièces d’auteurs emblématiques, portées par une troupe de comédiens et comédiennes fidèle à Jean Bellorini. 

« Un théâtre vivant est un théâtre habité. Seuls les acteurs sont les représentants, les vecteurs, les ambassadeurs de ce qui s’y passe. Le théâtre dans sa dimension populaire s’appuie sur la reconnaissance de figures. La fidélité aux acteurs de mes spectacles est le socle sur lequel peut se bâtir l’histoire à venir du TNP. » Jean Bellorini

Il Tartufo

de Molière
traduction en italien Carlo Repetti
mise en scène Jean Bellorini
avec le Teatro di Napoli – Teatro Nazionale
création 2022

Le second Tartuffe de la saison est un Tartufo. En miroir à la mise en scène spectrale de Macha Makeïeff, Jean Bellorini signe un spectacle drôle, virevoltant et… italien. Lui qui n’a jamais monté Molière se lance dans l’aventure avec les acteurs du Théâtre National de Naples. Molière en langue italienne est une curiosité à ne pas manquer. Le regretté Carlo Repetti, qui a notamment dirigé le Théâtre National de Gênes, a conçu pour l’occasion une traduction tout en rythme, dans le respect de la rime. Son texte sonne comme un hymne à l’envie de vivre libre, sans figure verticale. L’humour immédiat, tranchant, ne diminue en rien la force du propos. Tout tend au contraire à affirmer la nécessité d’une rébellion clairvoyante : la dénonciation des dérives de l’Église, le rappel que la culture et le savoir permettent de lutter contre la peur d’une société nouvelle, la critique de la médiocrité humaine.

L’action aura lieu dans une immense cuisine, aujourd’hui, où se croiseront des figures types de la comédie italienne. Comme les personnages, nous assistons en spectateurs à une immense entreprise de faillite collective. Mais la force de vie et le renouveau promis notamment par la jeunesse ouvrent une brèche dans l’obscurité. Dans cette pièce où le rire est une arme contre la bêtise, on découvre que Molière chante aussi le plaisir de la vie et la joie d’être ensemble, à tout prix.

Enrichi par ses expériences de mise en scène avec les troupes du Berliner Ensemble en Allemagne ou du Théâtre Alexandrinski à Saint-Pétersbourg, Jean Bellorini a accepté l’invitation du Théâtre National de Naples. Présenté en dernière partie d’une saison sous le signe du Centenaire, ce Tartufo est une manière de renouer avec la tradition européenne et internationale du TNP. Des années 1960 à 1990, des liens forts avaient en effet été établis avec des théâtres italiens, suisses, russes ou allemands ; de nombreuses productions étrangères étaient programmées. Cette démarche de décentrement, inséparablement poétique et politique, est intimement défendue par Jean Bellorini pour son TNP. Une tentative d’alchimie entre l’ici et l’ailleurs qu’aurait sans doute appréciée Molière, dont nous fêtons cette année le 400e anniversaire.

Le Jeu des Ombres

de Valère Novarina
mise en scène Jean Bellorini
création 2020

Le Jeu des Ombres est une plongée joyeuse, festive et profonde dans la langue exubérante de Valère Novarina, dialoguant avec les grands thèmes musicaux de l’opéra L’Orfeo de Claudio Monteverdi. Jean Bellorini conjugue dans ce projet ses deux matières de prédilection, le langage et la musique.

Orphée, c’est l’homme qui réenchante le monde, le transforme, l’émeut et le déplace. Il fait danser les arbres, pleurer les rochers, détourne le cours de fleuve par son chant. Il est l’Artiste, déchire le voile des conventions, des valeurs, des dogmes. Il fait descendre les regards jusqu’alors tournés vers le Ciel vers les êtres qui aiment, qui souffrent et qui meurent. C’est aussi celui qui doute, qui pousse à questionner, à remettre en cause, à croire et ne plus croire. Le doute qui oblige au retournement, contraint à regarder en face, jusqu’à la disparition des illusions. Il s’agit de se confronter au monde tel qu’il est et d’être libre. Quoiqu’il en coûte.

Ce que l’on ne peut pas dire, c’est cela qu’il faut dire. Ce qu’on ne peut pas voir, c’est cela qu’il faut voir. Ce qu’on ne peut pas traverser, c’est cela qu’il faut traverser.

Jusqu’en Enfer.

Entrelaçant la langue en constante éruption de Valère Novarina et la musique de Claudio Monteverdi, Le Jeu des Ombres mêle les genres et les époques. Cette création reste cependant fidèle au mythe originel : seuls l’amour et l’art permettraient d’échapper au drame universel de la mort. Elle parle profondément de l’humain et de sa quête insatiable d’immortalité.

Le texte est publié aux Éditions P.O.L. (octobre 2020)

Onéguine

d’après Eugène Onéguine de Alexandre Pouchkine
traduction André Markowicz
mise en scène Jean Bellorini
réalisation sonore Sébastien Trouvé
création 2019

Eugène Onéguine est un esthète, qui aime le luxe et la fête. Tatiana, jeune fille noble de la campagne, belle et sombre, tombe amoureuse de lui. Il l’éconduit avec une certaine indolence et, par désœuvrement, séduit lors d’un bal la fiancée de son meilleur ami. Ce dernier, fou de douleur, le provoque en duel. Eugène le tue, malgré lui. Le sang du jeune homme teinte la neige de rouge… Jean Bellorini fait entendre ce chef-d’œuvre de la littérature russe par le biais de casques, dans un dispositif intime et bi-frontal. Les voix enveloppent les spectateurs, formant chœurs et chuchotements, mêlées à une bande sonore composée à partir d’extraits de l’opéra éponyme de Piotr Tchaïkovski. Le roman se déploie, entrelaçant les thèmes dans une série de tableaux concis et vifs.

Un instant

d’après À la recherche du temps perdu de Marcel Proust
mise en scène Jean Bellorini
création 2018

À la recherche du temps perdu est un récit-fleuve sur la mémoire et le temps portée par un style unique – une langue ciselée, savante et pourtant limpide. Jean Bellorini et Camille de La Guillonnière en conservent les passages de l’enfance du narrateur auprès de sa mère tant aimée et mettent en lumière la relation tendre avec la grand-mère. Interrogeant les mécanismes de la mémoire, les interprètes insufflent des passages empruntés à leur propre histoire. Mêlant le réel et l’invention, ils cherchent à saisir cette coïncidence d’où jaillit le souvenir comme un écho puissant du passé, cristallisé dans la matérialité d’un objet et dans l’évanescence d’un instant.

Vie et Mort de Mère Hollunder

de et avec Jacques Hadjaje
mise en scène Jean Bellorini
création 2018

Mère Hollunder est vieille comme le monde. Elle est la mémoire du monde. Elle se souvient de tout mais pas forcément dans le bon ordre. Et tout ce dont elle se souvient ne s’est peut-être pas réellement passé. Aucune importance, la vie n’est pas un livre de comptes. Seule compte la vérité des sentiments. Et Mère Hollunder bouillonne de sentiments. Souvent, même, le couvercle de la marmite saute. Mère Hollunder explose. De joie. De colère. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne se laissera pas faire. Les fantômes qui viennent la visiter ne lui font pas peur. Ils ne réussiront pas à l’entraîner vers le côté obscur de la vie. Elle connaît une parade lumineuse : résister. Son mot préféré est « non ». Un « non » joyeux, malin, déraisonnable. « Non » à la bêtise, à l’injustice, à la fatalité. Elle est une empêcheuse de se lamenter en rond. Mère Hollunder est un très vieux clown. Son rôle est de dire la vérité, comme seuls les clowns savent la dire.

Cher Erik Satie

mélodies et extraits de la Correspondance presque complète d’Erik Satie
mise en scène Jean Bellorini
création 2016

À sa mort en 1925, les amis d’Erik Satie découvrirent dans son misérable studio d’Arcueil deux pianos désaccordés remplis d’une correspondance encore cachetée. Cette anecdote illustre bien la folie douce du compositeur, qui passa sa vie à batailler par courrier interposé avec ses détracteurs, réels ou supposés. C’est à cette source que Jean Bellorini puise les mots magnifiques et tourmentés de ce spectacle. Les mélodies qui y sont jouées, résolument humoristiques, reflètent l’influence du music-hall et des cafés-concerts montmartrois sur l’oeuvre du compositeur.

Karamazov

d’après Les Frères Karamazov de Fédor Dostoïevski
mise en scène Jean Bellorini
création 2016

Les Frères Karamazov est un roman réunissant intrigue policière, histoires d’amour et exposés métaphysiques. Les personnages inoubliables, déchirés par leurs conflits intérieurs, recherchent une vérité qui n’a rien à voir avec une quête de la raison.

Il y a les fils légitimes, brillants de passion et de questions : Dimitri l’amoureux passionné, Ivan le philosophe, Aliocha le mystique. Face à eux se place le bâtard, Smerdiakov, cynique et haineux, dégoûté par sa condition de domestique. Au hasard de la vie, ces quatre frères se retrouvent dans la ville paternelle et se construisent tant bien que mal, entre amour et abjection filiale. En proie aux questionnements de la vie, de la chair et de la foi, ils se heurtent à un père bouffon et jouisseur, face auquel aucune de leur ligne de vie ne tient. Le meurtre, qui fait vriller le roman philosophique en roman policier, met cette fratrie tourmentée face à la question de la responsabilité. Qui est coupable, celui qui porte le coup, ou celui qui n’empêche pas que le coup soit porté ?

Entouré de sa troupe de comédiens-musiciens-chanteurs, Jean Bellorini souhaite rendre toute la force poétique et lyrique de l’œuvre.

Un Fils de notre temps

d’après Ödön von Horváth
mise en scène Jean Bellorini
création 2015

Diseurs, comédiens, bidouilleurs de sons, musiciens, acteurs-poètes, ensemble ils racontent l’histoire d’Un fils de notre temps, celle d’un paumé, un paumé qui s’engage. Ödön von Horváth publie ce roman en 1938, à la suite de son célèbre Jeunesse sans Dieu, alors qu’il est en exil, fuyant le régime hitlérien. Il s’agit du monologue intérieur d’un jeune homme au chômage – emporté par son époque – qui, pour survivre, devient soldat. Nourri d’espoirs déçus et de mauvaise pitance, il pose un regard froid sur un monde qui ne tourne plus rond. C’est à la fête foraine, royaume des illusions, qu’il retrouve un peu de son humanité.

Le récit est porté par la voix, la sensibilité et l’imaginaire de quatre comédiens. Tour à tour chœur ou orchestre – violon, trompette, claviers et guitare sont présents sur la scène –, le quatuor déploie dans une commune respiration la diversité des résonances personnelles que le propos suscite et, par là, en révèle l’universalité. Loin d’uniformiser les individualités, le groupe permet aussi l’intimité de la confession, le surgissement de visions singulières. Destiné à des espaces non théâtraux, le plateau est nu. Seuls quatre ventilateurs ponctuent le cadre d’une parole dont les comédiens peignent toutes les couleurs, oscillant entre incarnation et évocation. Reste alors à laisser l’image apparaître dans l’âme de l’assistance… Attendre ce moment d’équilibre par lequel l’acteur passe – comme l’étoile filante laisse une trace dans le ciel – lorsqu’il devient poète.

La Bonne âme de Se-Tchouan

de Bertolt Brecht
mise en scène Jean Bellorini
création 2014

Dans le Se-Tchouan, une province reculée de la Chine, les dieux voyagent. Ils cherchent une bonne âme et n’en trouvent qu’une, qui accepte de les loger pour la nuit : Shen Té, la prostituée. Pour la remercier, ils lui donnent de l’argent ; elle quitte son métier et s’achète un petit débit de tabac. Les ennuis commencent alors : passer de l’autre côté de la misère, c’est aussi devoir l’affronter. Misère physique, sociale. Mais aussi misère morale. La fresque épique des aventures de Shen Té est ponctuée d’appels désespérés à la bonté et d’explosions de colère devant la médiocrité et la passivité des humains. Il y est question de l’Homme et de sa schizophrénie, de l’amour-marchand face à l’amour-passion.

Jean Bellorini donne le ton : « Il nous faut rêver à un spectacle simple, drôle, et aussi terrible. Entre la fable et le réel, du rêve au cauchemar, de l’espoir à la peur… ou plutôt l’inverse. La musique d’un monde onirique et le bruit de la réalité. Des chansons originales et populaires. Des comédiens-musiciens-chanteurs-ouvriers du plateau… au service de la fable. La présence d’un pianiste fou et grandiose, virtuose. Vents, cordes, percussions. Des chansons et un esprit de fanfare porté par la troupe de dix-huit comédiens ».

Cette Bonne Âme a reçu en 2014 le prix Beaumarchais du meilleur spectacle.

Cupidon est malade

texte de Pauline Sales
mise en scène Jean Bellorini
création 2014

Cupidon est malade s’inspire librement du Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare. Ici, c’est sous l’œil lucide des enfants que les joutes amoureuses battent leur plein. Et ce sont les parents qui en sont les victimes.

Pour Pauline Sales, la commande de Fabrice Melquiot autour de ce texte était l’occasion de considérer pleinement le point de vue des enfants. Habitant instinctivement le monde surnaturel – dont les grandes personnes ont été chassées sans même s’en rendre compte –, ils peuvent espionner le monde dit réel et enquêter sur cette question mystérieuse et hautement importante qui les regarde de près : l’amour et le désamour.

Liliom (ou la vie et la mort d'un vaurien)

de Ferenc Molnár
mise en scène Jean Bellorini
création 2014

L’intrigue plonge dans un réel aux antipodes du naturalisme, tant le fantastique et les personnages, vivants, morts ou surnaturels, se fondent dans l’atmosphère colorée d’une fête foraine. Liliom raconte l’histoire d’un bonimenteur de foire, d’un voyou à la gueule d’ange qui règne sur un royaume d’illusions ; il tombe amoureux d’une petite bonne, Julie. Leur histoire naissante ouvre un champ de liberté et d’espoir, le changement devient possible. Mais le cercle se referme : le chômage, les magouilles, la misère et les coups font leur apparition. Au milieu de cette résignation sourde et de ce désespoir, un avenir pointe son nez. L’enfant s’annonce et Liliom se reprend à rêver. Il projette un départ en Amérique pour sa future famille et, pour financer ce voyage, il lui faut commettre un acte qui l’entraînera vers la chute…

La pièce est énigmatique. C’est une fable avec son alternance de réalisme et d’onirisme. Il y a dans la féerie de Molnár un rapport particulier à la langue, hymne à la littérature, hymne à un théâtre de la parole. Ce spectacle participe à la volonté de célébrer les noces du théâtre et de la musique.

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Paroles gelées

d’après l’œuvre originale de François Rabelais
mise en scène, scénographie et lumière Jean Bellorini
création 2012

Panurge, compagnon du géant Pantagruel, s’interroge lors d’un banquet sur la pertinence de prendre femme. Dans l’ivresse collective, l’assemblée largue les amarres à la recherche de la Dive Bouteille, oracle réputé. Épopée maritime, quête philosophique, le voyage est aussi désastreux que sublime.

Sur le plateau, treize comédiens « ouvriers de la scène » – tous musiciens et chanteurs – réchauffent contre eux les « paroles gelées » de ce récit lointain. Bottes de caoutchouc aux pieds, dans une grande pataugeoire originelle, ils barbotent, essuient des grains, évitent la noyade, accostent des îles peuplées de monstres. Intrépides et joyeux explorateurs, ils dévorent le monde, avides de vérité.

Paroles gelées a été récompensé du Molière du meilleur spectacle de théâtre public et du Molière de la meilleure mise en scène d’un spectacle de théâtre public en 2014.

Tempête sous un crâne

d’après Les Misérables de Victor Hugo
adaptation Jean Bellorini et Camille de La Guillonnière
mise en scène Jean Bellorini
création 2010

Ce spectacle est une adaptation des Misérables, pour deux comédiens dans la première partie et cinq dans la seconde, qui prennent en charge toute la poésie de Victor Hugo. Tour à tour ils s’écoutent, se coupent la parole ou se mettent à scander ensemble l’histoire de ce roman comme on pourrait se mettre à chanter une chanson.

À la manière de En attendant Godot, ces bonshommes se retrouvent dans un espace qu’ils ne connaissent pas. Ils attendent on ne saura jamais quoi. Ils comblent le vide grâce à la parole, leur seule arme pour survivre. Parler pour ne rien dire peut-être mais parler pour exister. Et si la poésie était salvatrice…

Raconter tous les personnages de l’œuvre, les faire vivre dans un même corps pour représenter la complexité de l’homme, tel est le pari. Les personnages sont ancrés dans la réalité, un arbre, un lit en fer, et plein d’autres choses qui viennent s’accumuler au fur et à mesure du spectacle, tout comme les mots, et le nombre d’acteurs sur le plateau. On assiste à une tranche de vie de ces « petites gens » tout en glissant progressivement vers l’Histoire.

Le Suicidé, vaudeville soviétique

de Nicolaï Erdman
traduction André Markowicz
mise en scène et lumière Jean Bellorini
création 2022

Union soviétique, fin des années 1920. Sémione Sémionovitch tente de soulager sa faim en avalant un saucisson de foie. Les quelques instants de sa disparition suffisent pour que sa femme croit à une tentative de suicide. Toute une galerie de personnages débarque pour s’approprier le funeste événement. Chacun défend sa cause, car « ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire ! »

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