Édito

Vous faire part de nos rêves…

Les dates réserver

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avril 2020
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26
Billetterie

Les tarifs

  • 25 € plein tarif
  • 20 € retraités, groupes à partir de 8 personnes (aux mêmes spectacles et aux mêmes dates)
  • 14 € demandeurs d’emploi, détenteurs de la carte mobilité inclusion, accompagnateur PSH, personnes non imposables
  • 12 € moins de 30 ans, étudiants
  • 12 € professionnels de la culture
  • 8 € élèves des écoles de théâtre partenaires
  • 7 € bénéficiaires de minima sociaux (CMU, RSA, AAH)
  • 7 € le samedi soir pour les étudiants de moins de 30 ans

Détail des tarifs

À propos

Chères spectatrices, chers spectateurs,

À lire toutes les déclarations mortifères qui annoncent les annulations dans nos différents théâtres publics, il me vient l’envie de vous parler de notre prochaine aventure, Le Jeu des ombres de Valère Novarina.

J’ai évidemment conscience de l’incertitude dans laquelle nous sommes plongés aujourd’hui – et en même temps je voudrais continuer à vous faire part de nos rêves, rêves qui devraient se réaliser quand nos vies se remettront en mouvement.

Nous sentons tous combien le toucher, les regards, les rassemblements nous manquent. Après l’isolement nous aurons besoin de proximité les uns les autres. Après avoir rêvé et pensé seuls, nous aurons besoin de penser et de rêver à plusieurs. Et c’est précisément la fonction du théâtre.

Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions sur Le Jeu des ombres, mon prochain spectacle qui devrait commencer à se répéter au début du mois de juin.

Si la déception est grande aujourd’hui de ne pas pouvoir le donner à Avignon comme prévu, je suis très heureux d’imaginer qu’il sera entièrement répété et créé au TNP.

Il y a un an, je demandais à Valère Novarina d’écrire un texte pour notre troupe à partir du mythe d’Orphée. C’était donc suite à l’invitation du Festival d’Avignon de venir créer un spectacle dans la Cour d’honneur.

Je rêvais d’un mythe pour habiter cette cour, cet immense espace. Il fallait surtout un poète.

J’aime infiniment l’écriture de Valère Novarina car elle est invention.

Je voulais que ce spectacle soit une expérience poétique et sensible. Un hymne à la parole et à la musique. L’art comme trait d’union entre la vie et la mort. C’est le chant orphique au fond. Orfeo est l’Homme qui réenchante le monde des vivants et des morts, le transforme, l’émeut et le déplace. Il fait danser les arbres, pleurer les rochers, détourne le cours des fleuves par son chant. Il est l’artiste, déchire le voile des conventions, des valeurs, des dogmes. Il fait descendre les regards jusqu’alors tournés vers le ciel vers les êtres qui aiment, qui souffrent et qui meurent.

C’est l’Homme qui doute, qui pousse à questionner, à remettre en cause, à croire et ne plus croire. Le doute qui oblige au retournement, contraint à regarder en face, jusqu’à la disparition des illusions.

Ce que l’on ne peut pas dire, c’est cela qu’il faut dire. Ce que l’on ne peut pas voir, c’est cela qu’il faut voir. Ce que l’on ne peut pas traverser, c’est cela qu’il faut traverser. Jusqu’aux Enfers.

En janvier dernier, Valère Novarina m’envoyait une première version du texte. Les personnages (les personnes devrait-on dire) se nommaient Christine Fersen, Daniel Znyk, Michel Baudinat, Stéphane Kosiak,… ce sont tous de magnifiques acteurs ayant travaillé avec Valère et qui sont aujourd’hui morts. Cela m’a touché profondément.

Les personnages étaient des étoiles.

La pièce est magnifique. Elle donne la parole aux damnés de la terre, tous des récalcitrants. L’entêtement et la résistance par le verbe et le chant les font exister.

Valère Novarina : « J’écris des livres qui cherchent à vivifier, armer, relever, qui viendraient à notre secours – au lieu de nous accabler encore… chacun de nous, chacun de nos animaux parlants, fait face à des expériences immensément singulières, terrifiantes ou magnifiques, indicibles. Il y a un grand écartèlement mental qui nous entraîne et nous passe par les extrêmes – et dont personne ne parle. Chacun est en face de l’amplitude et du saut indicible de la vie, et de la stupéfaction d’être là. Et de l’étonnement de parler. Personne ne se remet de la chute de naître. Tout n’a pas été dit. Chacun doit se retrouver parlant.

Chacun doit avancer parlant, se construisant par ses paroles – et non plus seulement porteur d’idées toutes faites. Il y a, pour chacun des humains, à renouer avec une joie gymnique du langage – à se déverrouiller de nos tétanismes mentaux. Il faut annoncer la parole à tous et ne plus ânonner des idées. Nous avons à traverser la tempête verbale, à réveiller des zones du langage qui n’avaient pas travaillé depuis notre âge de deux ans, de onze mois, d’un jour. Au théâtre il faut aller fouiller, non dans les souvenirs de l’enfance de l’auteur ou des comédiens, mais dans les souvenirs animaux du spectateur : sa très savante et profonde expérience du langage, depuis sa naissance et même avant de naître.

Les pièces s’adressent à tous parce qu’elles parlent beaucoup de ces questions dont on ne dit plus rien aujourd’hui : elles parlent de ces émotions irrépertoriées, elles parlent du sentiment inconnu. Il faut des trous rythmiques dans le sol, des chutes dans l’intérieur. Ne pas emmener le spectateur en promenade culturelle, mais agir avec une certaine violence – je n’aime pas trop ce mot : agir cruellement plutôt, mais pas dans le sens de la souffrance, dans le sens d’une cruauté comique. Libératrice. Théâtre de la cruauté comique : un mot pour tuer le mot. Abattre les idoles. »

Voilà en quelque sorte un manifeste pour mon premier spectacle au TNP – sorte de pari fou. Convaincu de l’exigence de l’écriture mais aussi et surtout de sa dimension populaire. La joie et la procession ! Des musiciens, des acteurs, des chanteurs, des « dévissés de la vie » qui déambuleront dans un cimetière d’instruments fracassés.

Je souhaite que nous fassions un spectacle qui – s’il posera la question essentielle de la véritable communication, de la polyphonie de la parole ou de l’universalité de la musique – soit réparateur de ce temps suspendu. Les mots en savent plus que nous. Le rêve doit être au front ! La représentation serait comme une délivrance, le cirque libère le jeu des figures captives de l’espace, Valère Novarina voudrait rendre libre les figures du langage !

J’espère de tout mon cœur avoir la possibilité de répéter ce spectacle durant l’été et pouvoir ré ouvrir le TNP début septembre, en vous conviant aux dernières répétitions générales, ou plutôt aux avant-premières avant une longue tournée en France et à l’étranger !

C’est aussi l’occasion de vous dire que les ateliers costumes ont ouvert la semaine dernière afin de confectionner des masques que nous pourrons utiliser à partir du 11 mai, date à partir de laquelle le théâtre reprendra progressivement son activité tout en restant totalement fermé au public jusqu’en septembre 2020.

Quant à la programmation 2020-2021, vous pourrez la découvrir le 17 juin 2020 à 14h00 en ligne, et vous recevrez également par courrier un document de saison.

Et enfin, pour commencer à célébrer le Centenaire du TNP, je vous donne rendez-vous chaque vendredi pour découvrir un document audio ou vidéo retraçant les plus riches heures de son histoire.

Je vous souhaite d’aller bien et de préparer le plus sereinement possible la sortie de ce confinement.

Bien chaleureusement,

Jean Bellorini 

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