Merci Peter Brook
Ce 2 juillet 2022, le metteur en scène Peter Brook est décédé à l’âge de 97 ans. Sa disparition met fin à l’une des grandes aventures théâtrales de la deuxième partie du XXe siècle – non sans laisser quelques trésors pour les temps à venir.
C’est en 1946, âgé d’à peine 21 ans, que Peter Brook signe sa première mise en scène, Peines d’amour perdues de William Shakespeare. L’œuvre shakespearienne s’offre à lui comme une boussole qui ne cessera de guider sa réflexion sur le théâtre. L’année suivante, il met en scène Roméo et Juliette à Stratford-upon-Avon et en 1955 Titus Andronicus, pour la Royal Shakespeare Company. Peu à peu, il se dirige vers le dépouillement raffiné qui deviendra l’essence de son art.
En 1968, avec la publication de L’Espace vide, il élabore sa théorie d’un théâtre sans décor où la gestuelle du comédien est centrale. Tout au long de sa carrière, il s’attache à partager ses conceptions de la scène : Points de suspension (1987), Le Diable c’est l’ennui (1991), Avec Shakespeare (1998), Oublier le temps (2003), Entre deux silences (2006) et La Qualité du pardon (2014).
En 1970, il crée le Centre international de recherche théâtrale (CIRT), composé d’acteurs venus du monde entier. Pendant trois ans, ils joueront un peu partout, en France, au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique, et surtout là où le théâtre ne va pas : dans des foyers d’immigrés, au fin fond du Sahara, dans les rues du Bronx ou de Brooklyn, à l’hôpital Sainte-Anne à Paris ou en entreprise à Jouy-en-Josas…
En 1974, la redécouverte du Théâtre des Bouffes du Nord, qui tombait en ruine, dans le quartier populaire de La Chapelle à Paris, lui offre l’occasion déployer ses recherches. Ses productions se remarquent par leur aspect iconoclaste et leur envergure internationale. Entouré de ses proches collaborateurs, Peter Brook ouvre la première saison avec Timon d’Athènes puis monte Ubu aux Bouffes en 1977, La Cerisaie en 1981 ou La Tempête en 1990, portée par Sotigui Kouyaté dans le rôle de Prospero. En collaboration avec Jean-Claude Carrière, Peter Brook retraverse le grand texte de la mythologie hindoue, le Mahabharata, adapté en 1985 sous la forme d’un spectacle fleuve de presque neuf heures joué dans une carrière de pierre, au Festival d’Avignon.
Parallèlement à ses créations pour le théâtre, Peter Brook met en scène plusieurs opéras et réalise des films comme Moderato cantabile d’après Marguerite Duras en 1959, Sa Majesté des mouches en 1963, le Marat/Sade en 1967, Le Mahabharata en 1989 et The Tragedy of Hamlet en 2002.
En septembre 2020, après de longs mois de fermeture des théâtres, Peter Brook était invité au TNP. Il nous parlait de Shakespeare, de ses rêves d’enfant et de la musique cachée des mots. Du travail théâtral comme une exploration permanente, avec son lot de joies et de mystères. Et de la beauté de certaines énigmes.
Bon repos, cher Peter.
Et merci.
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Bref#1, Coup de projecteur : Peter Brook donne le la, novembre-décembre 2020
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