Qu’est ce que le répertoire ?”
« Un théâtre vivant est un théâtre habité. Seuls les acteurs sont les représentants, les vecteurs, les ambassadeurs de ce qui s’y passe. Le théâtre dans sa dimension populaire s’appuie sur la reconnaissance de figures. La fidélité aux acteurs de mes spectacles est le socle sur lequel peut se bâtir l’histoire à venir du TNP. » Jean Bellorini
Au fil des années, chaque pièce mise en scène par Jean Bellorini s’intègre naturellement dans le répertoire TNP. Une manière de découvrir ou de redécouvrir des pièces de grands auteurs révolutionnaires de la langue française tels que Victor Hugo (Tempête sous un crâne, d’après Les Misérables), François Rabelais (Paroles gelées, d’après Le Quart Livre) ou Marcel Proust (Un instant, d’après À la recherche du temps perdu), ou encore le texte d’un immense poète russe, Alexandre Pouchkine (Onéguine).
Certaines pièces de ce répertoire pourront être rejouées au TNP et proposées au plus grand nombre, dans le cadre des mardis du TNP qui débuteront en février 2021. Par la régularité de la proposition et l’attractivité du tarif, il s’agit avant tout de favoriser la venue au théâtre d’un public nouveau et curieux.
d’après Eugène Onéguine de Alexandre Pouchkine
traduction André Markowicz
mise en scène Jean Bellorini
réalisation sonore Sébastien Trouvé
création 2019
Eugène Onéguine est un esthète, qui aime le luxe et la fête. Tatiana, jeune fille noble de la campagne, belle et sombre, tombe amoureuse de lui. Il l’éconduit avec une certaine indolence et, par désœuvrement, séduit lors d’un bal la fiancée de son meilleur ami. Ce dernier, fou de douleur, le provoque en duel. Eugène le tue, malgré lui. Le sang du jeune homme teinte la neige de rouge… Jean Bellorini fait entendre ce chef-d’œuvre de la littérature russe par le biais de casques, dans un dispositif intime et bi-frontal. Les voix enveloppent les spectateurs, formant chœurs et chuchotements, mêlées à une bande sonore composée à partir d’extraits de l’opéra éponyme de Piotr Tchaïkovski. Le roman se déploie, entrelaçant les thèmes dans une série de tableaux concis et vifs.
d’après À la recherche du temps perdu de Marcel Proust
mise en scène Jean Bellorini
création 2018
de et avec Jacques Hadjaje
mise en scène Jean Bellorini
création 2018
© Pascal Victor
mélodies et extraits de la Correspondance presque complète d’Erik Satie
mise en scène Jean Bellorini
création 2016
d’après Les Frères Karamazov de Fédor Dostoïevski
mise en scène Jean Bellorini
création 2016
Les Frères Karamazov est un roman réunissant intrigue policière, histoires d’amour et exposés métaphysiques. Les personnages inoubliables, déchirés par leurs conflits intérieurs, recherchent une vérité qui n’a rien à voir avec une quête de la raison.
Il y a les fils légitimes, brillants de passion et de questions : Dimitri l’amoureux passionné, Ivan le philosophe, Aliocha le mystique. Face à eux se place le bâtard, Smerdiakov, cynique et haineux, dégoûté par sa condition de domestique. Au hasard de la vie, ces quatre frères se retrouvent dans la ville paternelle et se construisent tant bien que mal, entre amour et abjection filiale. En proie aux questionnements de la vie, de la chair et de la foi, ils se heurtent à un père bouffon et jouisseur, face auquel aucune de leur ligne de vie ne tient. Le meurtre, qui fait vriller le roman philosophique en roman policier, met cette fratrie tourmentée face à la question de la responsabilité. Qui est coupable, celui qui porte le coup, ou celui qui n’empêche pas que le coup soit porté ?
Entouré de sa troupe de comédiens-musiciens-chanteurs, Jean Bellorini souhaite rendre toute la force poétique et lyrique de l’œuvre.
d’après Ödön von Horváth
mise en scène Jean Bellorini
création 2015
Diseurs, comédiens, bidouilleurs de sons, musiciens, acteurs-poètes, ensemble ils racontent l’histoire d’Un fils de notre temps, celle d’un paumé, un paumé qui s’engage. Ödön von Horváth publie ce roman en 1938, à la suite de son célèbre Jeunesse sans Dieu, alors qu’il est en exil, fuyant le régime hitlérien. Il s’agit du monologue intérieur d’un jeune homme au chômage – emporté par son époque – qui, pour survivre, devient soldat. Nourri d’espoirs déçus et de mauvaise pitance, il pose un regard froid sur un monde qui ne tourne plus rond. C’est à la fête foraine, royaume des illusions, qu’il retrouve un peu de son humanité.
Le récit est porté par la voix, la sensibilité et l’imaginaire de quatre comédiens. Tour à tour chœur ou orchestre – violon, trompette, claviers et guitare sont présents sur la scène –, le quatuor déploie dans une commune respiration la diversité des résonances personnelles que le propos suscite et, par là, en révèle l’universalité. Loin d’uniformiser les individualités, le groupe permet aussi l’intimité de la confession, le surgissement de visions singulières. Destiné à des espaces non théâtraux, le plateau est nu. Seuls quatre ventilateurs ponctuent le cadre d’une parole dont les comédiens peignent toutes les couleurs, oscillant entre incarnation et évocation. Reste alors à laisser l’image apparaître dans l’âme de l’assistance… Attendre ce moment d’équilibre par lequel l’acteur passe – comme l’étoile filante laisse une trace dans le ciel – lorsqu’il devient poète.
de Bertolt Brecht
mise en scène Jean Bellorini
création 2014
Dans le Se-Tchouan, une province reculée de la Chine, les dieux voyagent. Ils cherchent une bonne âme et n’en trouvent qu’une, qui accepte de les loger pour la nuit : Shen Té, la prostituée. Pour la remercier, ils lui donnent de l’argent ; elle quitte son métier et s’achète un petit débit de tabac. Les ennuis commencent alors : passer de l’autre côté de la misère, c’est aussi devoir l’affronter. Misère physique, sociale. Mais aussi misère morale. La fresque épique des aventures de Shen Té est ponctuée d’appels désespérés à la bonté et d’explosions de colère devant la médiocrité et la passivité des humains. Il y est question de l’Homme et de sa schizophrénie, de l’amour-marchand face à l’amour-passion.
Jean Bellorini donne le ton : « Il nous faut rêver à un spectacle simple, drôle, et aussi terrible. Entre la fable et le réel, du rêve au cauchemar, de l’espoir à la peur… ou plutôt l’inverse. La musique d’un monde onirique et le bruit de la réalité. Des chansons originales et populaires. Des comédiens-musiciens-chanteurs-ouvriers du plateau… au service de la fable. La présence d’un pianiste fou et grandiose, virtuose. Vents, cordes, percussions. Des chansons et un esprit de fanfare porté par la troupe de dix-huit comédiens ».
Cette Bonne Âme a reçu en 2014 le prix Beaumarchais du meilleur spectacle.
texte de Pauline Sales
mise en scène Jean Bellorini
création 2014
Cupidon est malade s’inspire librement du Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare. Ici, c’est sous l’œil lucide des enfants que les joutes amoureuses battent leur plein. Et ce sont les parents qui en sont les victimes.
Pour Pauline Sales, la commande de Fabrice Melquiot autour de ce texte était l’occasion de considérer pleinement le point de vue des enfants. Habitant instinctivement le monde surnaturel – dont les grandes personnes ont été chassées sans même s’en rendre compte –, ils peuvent espionner le monde dit réel et enquêter sur cette question mystérieuse et hautement importante qui les regarde de près : l’amour et le désamour.
de Ferenc Molnár
mise en scène Jean Bellorini
création 2014
L’intrigue plonge dans un réel aux antipodes du naturalisme, tant le fantastique et les personnages, vivants, morts ou surnaturels, se fondent dans l’atmosphère colorée d’une fête foraine. Liliom raconte l’histoire d’un bonimenteur de foire, d’un voyou à la gueule d’ange qui règne sur un royaume d’illusions ; il tombe amoureux d’une petite bonne, Julie. Leur histoire naissante ouvre un champ de liberté et d’espoir, le changement devient possible. Mais le cercle se referme : le chômage, les magouilles, la misère et les coups font leur apparition. Au milieu de cette résignation sourde et de ce désespoir, un avenir pointe son nez. L’enfant s’annonce et Liliom se reprend à rêver. Il projette un départ en Amérique pour sa future famille et, pour financer ce voyage, il lui faut commettre un acte qui l’entraînera vers la chute…
La pièce est énigmatique. C’est une fable avec son alternance de réalisme et d’onirisme. Il y a dans la féerie de Molnár un rapport particulier à la langue, hymne à la littérature, hymne à un théâtre de la parole. Ce spectacle participe à la volonté de célébrer les noces du théâtre et de la musique.
“Je voulais écrire ma pièce avec le mode de pensée d’un pauvre gars qui travaille sur un manège de bois, à la périphérie de la ville.” Ferenc Molnár
d’après l’œuvre originale de François Rabelais
mise en scène, scénographie et lumière Jean Bellorini
création 2012
Panurge, compagnon du géant Pantagruel, s’interroge lors d’un banquet sur la pertinence de prendre femme. Dans l’ivresse collective, l’assemblée largue les amarres à la recherche de la Dive Bouteille, oracle réputé. Épopée maritime, quête philosophique, le voyage est aussi désastreux que sublime.
Sur le plateau, treize comédiens « ouvriers de la scène » – tous musiciens et chanteurs – réchauffent contre eux les « paroles gelées » de ce récit lointain. Bottes de caoutchouc aux pieds, dans une grande pataugeoire originelle, ils barbotent, essuient des grains, évitent la noyade, accostent des îles peuplées de monstres. Intrépides et joyeux explorateurs, ils dévorent le monde, avides de vérité.
Paroles gelées a été récompensé du Molière du meilleur spectacle de théâtre public et du Molière de la meilleure mise en scène d’un spectacle de théâtre public en 2014.
“Nous y vîmes des mots de gueule, des mots de sinople, des mots d’azur, des mots de sable, des mots dorés, rouges, verts, bleus, noirs et or. Après avoir été échauffés entre nos mains, ils fondaient comme neige et nous les entendions réellement, mais nous ne les comprenions pas car c’était un langage barbare.” François Rabelais, Le Quart Livre